Atlassian est un éditeur de logiciel peu connu du grand public, mais qui remporte un succès mondial auprès de toutes les entreprises pratiquant la méthodologie de travail Agile. Cette société démontre brillamment qu’en conjuguant écoute de ses clients et haute qualité de service, sans oublier un marketing de pointe, l’on peut réussir avec des produits qui ne sont pas au départ particulièrement originaux. Ses logiciels sont dédiés au travail collaboratif, et spécifiquement celui des équipes de développement logiciel.
La société est créée en 2001 à Sydney en Australie, par Mike Cannon-Brookes et Scott Farquhar, deux camarades d’université. Elle fait du service et support Enterprise Java (J2EE), et propose des installations de serveurs Orion (IronFlare) et OC4J (Oracle). Son site de l’époque explique alors ainsi la dénomination de l’entreprise : « Cela signifie “comme Atlas” — ce n’est pas un mot qui existe, juste un genre d’adjectif. Atlas était un ancien dieu grec qui avait pour vocation à se tenir au sommet du mont Olympe, tenant le ciel avec ses mains pour l’empêcher de tomber. C’était en fait le premier gars à remplir notre mission, celle de fournir un “service de légende”, tout en “soutenant le monde”. » En 2002, le premier produit logiciel d’Atlassian est un ensemble d’outils de gestion de serveur Orion (Atlassian Tools).
Peu après, Atlassian sort en version bêta le logiciel qui fera sa réussite : JIRA, un système de suivi de problèmes (issue tracking) basé sur J2EE. Il permet d’enregistrer des tickets décrivant un bogue, une demande de fonctionnalité ou n’importe quelle autre tâche à réaliser. Chaque ticket a un niveau de priorité qui lui affecté, de « trivial » à « bloquant », un statut, de « assigné » à « fermé », etc. Le programme ne fait à l’époque pas preuve d’une grande originalité : il ne se distingue pas particulièrement des autres logiciels de suivi déjà existants — comme Bugzilla, le programme lancé par Netscape Communications en 1998 — si ce n’est qu’il ne se limite pas aux seuls bogues logiciels.
Pour le nom du programme, Mike et Scott expliquent qu’ils n’appréciaient pas beaucoup utiliser Bugzilla — ce qui peut se comprendre — et l’avaient surnommé Gojira, du nom japonais du monstre Godzilla. Au sein d’Atlassian, Gojira était ainsi devenu le surnom de tout bug tracker, même lorsqu’une solution développée en interne est venue remplacer Bugzilla. Quand ils ont songé à mettre sur le marché leur solution-maison, ils se sont dits : laissons tomber le “Go” et gardons seulement “JIRA” !
En 2004, Atlassian dévoile Confluence, un logiciel de wiki en Java, orienté entreprise. Il est sans vice ni vertu (et, depuis quelque temps, sans même syntaxe wiki, ce que certains pourront trouver dommage, mais qui est en partie compensé par un éditeur wysiwyg de bonne facture).
Dans les années qui suivent, l’éditeur propose Crowd (outil d’authentification et autorisation), Bamboo (serveur d’intégration continue), Clover (couverture de code Java), Crucible (revue de code), FishEye (gestion de versions). En outre, Atlassian crée une impressionnante place de marché où l’on peut trouver un grand choix d’extensions tierces venant enrichir ses solutions.
En 2009, les deux produits phares restent JIRA et Confluence. C’est cette année qu’Atlassian commence à se présenter comme une entreprise pratiquant la méthodologie Agile et à proposer ses logiciels comme des aides au travail des équipes Agile. Dans cette démarche, la même année, Atlassian achète GreenHopper, un plugin pour JIRA entièrement dédié à la gestion de projets Agile, et développé par Pyxis Technologies.
En 2010, Atlassian lève 60 millions de dollars auprès des investisseurs Accel Partners (société de capital-risque). La société achète alors Bitbucket, la startup de Jesper Nøhr qui propose un service d’hébergement et de gestion de développement de logiciels utilisant Mercurial. L’année suivante, Atlassian y ajoutera le support des projets utilisant Git.
En 2011 et 2012, poursuivant sa croissance par acquisitions, Atlassian achète HipChat, un outil de clavardage et messagerie instantanée pour entreprises, puis SourceTree, un client Git/Mercurial pour Windows et Mac.
En 2014, Atlassian lève la somme de 150 millions de dollars (T. Rowe Price Associates). Et en décembre 2015, l’éditeur se lance sur le Nasdaq où il remporte un vif succès, levant 462 millions de dollars, sa valorisation passant alors à près de 6 milliards de dollars.
JIRA intègre désormais en standard la logique et le discours Agile, autant en saveur Scrum que Kanban (les deux pouvant être panachées, style Scrumban). On peut ainsi créer des projets Scrum découpés en demandes (les “user stories”) qui sont cataloguées (le “backlog”), puis ventilées en “sprints”, les cycles de travail itératif. Le tout dans une interface soignée et moderne.
Le groupe possède aujourd’hui six implantations, dont deux aux États-Unis : Amsterdam (Pays-Bas), Austin (USA), Manille (Philippines), San Francisco (USA), Yokohama (Japon) et le siège historique australien à Sydney. Il emploie 1 400 personnes et compte plus de 50 000 clients. On trouve parmi sa clientèle nombre de compagnies prestigieuses. Mais Atlassian ne saurait s’endormir sur ses lauriers tant la concurrence est rude. Citons Slack à l’assaut de HipChat, par exemple, sans compter les nombreux acteurs qui viennent marcher sur les plates-bandes de JIRA. L’un des avantages d’Atlassian est, grâce à ses différents produits, de pouvoir proposer une offre globale couvrant la plupart des besoins d’une entreprise de développement. Cela dit, maintes sociétés optent déjà pour des solutions hybrides, comme JIRA pour les tickets et Github pour le code.