Le GIF célèbre ses 30 ans et inonde toujours le Web
D’où vient le GIF ?
Le GIF (Graphics Interchange Format, “format d’échange d’images”) a été créé en 1987, avant même la naissance du Web, par une équipe de développeurs de CompuServe dirigée par Steve Wilhite. Malgré son âge et ses limitations, malgré la multiplication des formats d’images disponibles depuis ce temps (JPEG en 1992, PNG en 1996), le GIF fait toujours partie du paysage aujourd’hui, principalement en raison de ses possibilités d’animations facilement partageables.
La couleur à la rescousse de la météo
Au départ, le GIF a été développé pour introduire des images en couleur sur les services en ligne de CompuServe. On souhaitait, par exemple, pouvoir présenter des cartes météo plus attrayantes et faciles à lire. Et bien sûr, ces images se devaient de ne pas être trop “lourdes” à télécharger. On ne voulait pas passer 20 minutes à attendre une carte de prévisions météo.
[Compute!, numéro 124, décembre 1990, page 83.]
Le GIF utilise un octet par pixel, soit une palette de 256 couleurs possibles (2^8), ce qui contribue à une taille réduite des fichiers. De plus, le format a recours à un algorithme de compression dénommé Lempel–Ziv–Welch (LZW) qui permet une réduction de la taille sans dégradation de la qualité (lossless compression, compression sans perte). Considérant les modems très lents de l’époque — qui se souvient des 9600, 14 400 ou 28 800 bauds ? — la limite d’une palette de 256 couleurs simultanées apparaissait comme tout à fait raisonnable et acceptable au regard du bénéfice de fichiers allégés. En outre, il faut aussi se rappeler que très peu de gens possédaient à l’époque des ordinateurs capables d’afficher simultanément plus de 256 couleurs, sans compter ceux qui travaillaient encore avec des écrans monochromes (blanc, vert ou ambre).
Un des autres avantages du GIF a été la possibilité ajoutée en 1989 de créer des zones transparentes, permettant par exemple le placement de logos sur des arrière-plans colorés. Le GIF a également un autre tour dans son sac : l’entrelacement. Grâce à cet encodage spécial, les lignes d’une image peuvent se révéler progressivement au fur et à mesure du téléchargement des données. Avec les connexions lentes de l’époque, cette technique aidait les utilisateurs à patienter en attendant le chargement complet des images.
Dès qu’il a été possible d’afficher des images dans les pages Web grâce au navigateur NCSA Mosaic qui décide en 1993 d’implanter de son propre chef la balise IMG, le GIF est devenu le format de prédilection des premiers webmestres, parce qu’il était le plus accessible et interopérable, qu’il préservait la netteté des dessins au trait et des polices de caractères, et qu’on pouvait, en jouant avec des palettes réduites, affiner le poids des fichiers au minimum. C’était aussi le meilleur format pour créer des éléments d’interface comme des boutons.
La naissance de l’animation sur le Web
[Dancing Baby, 1996.]
Dès 1987, il était possible d’enregistrer une séquence d’images dans un seul fichier GIF pour créer une animation, mais il n’y avait pas de fonctions ni de temporisation ni de répétition.
En 1989, Compuserve ajoute le réglage du temps d’affichage de chaque image dans l’animation, ce qui autorise des animations plus sophistiquées et économiques en ressources. En 1995, juste à temps pour le lancement de Windows 95, le navigateur Netscape ajoute dans sa version 2.0 la possibilité de boucler la lecture d’une animation GIF. On peut alors préciser le nombre de lectures souhaité, zéro signifiant une répétition à l’infini. Même si cela ne faisait pas partie de la spécification du format, les autres navigateurs ont adopté la même fonctionnalité. Les “GIFs animés” se sont alors répandus comme une traînée de poudre sur le Web, tout site se devait d’en avoir. La possibilité du format a aussi immédiatement retenu l’attention des publicitaires et les bannières animées de 468 x 60 pixels ont commencé à pulluler un peu partout.
[Work In Progress, circa 1999.]
La supériorité du GIF sur les autres méthodes d’animation de l’époque était en premier lieu de ne pas nécessiter l’installation d’un plug-in, tous les navigateurs ayant rapidement implanté le support complet de la spécification, et même du non spécifié comme les ajouts de Netscape.
Les réseaux sociaux et les GIF
[Nyan Cat, 2011.]
Depuis quelques années, la popularité des GIFs animés ne fait que s’accentuer, grâce à l’omniprésence des réseaux sociaux. Ces derniers ont véritablement propulsé le GIF animé au rang de pilier de la culture Internet, comme véhicule intuitif par lequel il est possible d’exprimer et d’illustrer (pratiquement) n’importe quelle idée ou émotion. Mais surtout de le faire autrement que par le texte et de manière plus amusante que par une image fixe. Par ailleurs, on notera que les nouvelles générations ne spécifient pas que le GIF est animé ; un GIF est pour eux forcément une animation. C’est effectivement aujourd’hui le principal usage du format, les autres ayant été supplantés depuis par le PNG. On notera également qu’une grande partie des animations que l’on trouve sur des sites comme Giphy ne sont pas des GIFs, mais des vidéos MPEG-4… ce qui ajoute un degré de confusion.
[Typing Cat, 2015.]
Suivant la mode, Facebook a introduit le support des GIF sur Messenger en 2015 et a indiqué qu’en 2016, les utilisateurs de cette plateforme avaient utilisé pas moins de 13 milliards de GIFs dans leurs conversations. Afin de souligner le 30e anniversaire, l’entreprise a donc décidé de rendre accessibles les GIFs partout, y compris dans les commentaires des pages. Un nouveau bouton apparaît ainsi à côté de ceux d’ajout d’images ou d’emojis, accompagné d’un engin de recherche assez puissant. Le GIF fait également partie intégrante depuis longtemps de sites tels que Twitter, Tumblr et Reddit, qui lui sont indissociables.
Au fait, comment prononce-t-on le mot GIF?
Depuis sa conception, la prononciation du GIF soulève la controverse. Alors que la presque totalité des gens prononce le G dur, comme dans “guitare”, les créateurs du format ont toujours soutenu haut et fort qu’il s’agissait d’une hérésie. Ceux-ci prônent que la seule et vraie prononciation est plutôt avec un G doux, comme dans “girafe“. Une exposition sur le format vient d’ailleurs d’être ouverte à l’espace Gallery 151 à Manhattan, avec entre autres un contenant de beurre d’arachides de la marque américaine Gif (traditionnellement prononcé avec le G doux), pour bien démontrer la “bonne” prononciation. Après, vous faites comme vous voulez !
[Salt Bae, 2017.]