L’ARM-isation de Windows 10
C’est passé relativement inaperçu, mais c’est probablement la nouvelle la plus marquante de l’année dans le domaine de l’informatique : Windows 10 sera compatible avec les processeurs ARM.
C’est passé relativement inaperçu, mais c’est probablement la nouvelle la plus marquante de l’année dans le domaine de l’informatique : Windows 10 sera compatible avec les processeurs ARM.
Microsoft s’était déjà frottée aux processeurs ARM (ARMv7) avec un système d’exploitation plus particulièrement dédié aux tablettes, sorti conjointement en 2012 avec la première tablette Surface. Il avait été dénommé Windows RT, ce qui était une appellation trompeuse.
Windows RT était en effet malheureusement un système particulièrement fermé, avec de nombreuses limitations, qui ressemblait à un vrai Windows sans toutefois fonctionner de la même façon (impossible d’y faire tourner les applications x86 du marché par exemple). Ce fut donc un gros échec commercial et le système a été abandonné en 2015. La tablette Surface 3 est sortie en mai 2015 avec un système Windows 8.1 et un processeur Intel Atom.
Aujourd’hui, Microsoft a décidé de revenir sur ARM avec d’autres ambitions : proposer une vraie version de Windows, sans compromis, compatible avec les logiciels existants. Pour arriver à cette fin, Microsoft s’est alliée à un partenaire spécialiste de l’ARM, Qualcomm en l’occurrence, et la première version ARM de Windows fonctionnera dans un premier temps sur le processeur Qualcomm Snapdragon 835 (ARMv8), gravé en 10 nm et annoncé en novembre dernier. Les premiers appareils sur le marché devraient être des ordinateurs portables.
Le portage repose sur un émulateur du set d’instructions x86 (à propos duquel Microsoft est encore avare en détails) qui permettra à toutes les applications x86 32 bits de fonctionner (mais sans support des versions 64 bits). Dans la pratique, l’utilisateur ne devrait rencontrer aucune différence de comportement en les versions Intel et ARM. Le système en lui-même est écrit et compilé pour ARM. Les applications les plus gourmandes en puissance de calcul devraient bien sûr bénéficier d’une meilleure vitesse d’exécution sur les processeurs Intel.
L’avantage pour le public est la perspective de voir déferler des portables Windows 10 plus légers, moins coûteux, avec une bien meilleure autonomie, et souvent une connectivité cellulaire. Aussi, on peut s’attendre à voir des tablettes Windows 10, et pourquoi pas des téléphones du style phablet (Surface Phone ?), et même de nouveaux types d’appareils.
L’histoire de Windows a toujours été profondément liée aux processeurs Intel ; c’est un héritage du MS-DOS conçu pour l’Intel 8086 et ses successeurs. C’est donc un virage majeur opéré par Microsoft et certainement un défi pour Intel qui n’arrive pas à fournir des puces aussi économes en énergie que ses clients le souhaiteraient ni à renouveler sa gamme à une cadence assez rapide. Manifestement, Microsoft n’accorde plus une entière confiance à son partenaire historique.
Apple affronte les mêmes problèmes avec Intel et il est probable que des Macs ARM soient activement à l’étude, avec un traducteur d’instructions pour faire fonctionner les applications x86, dans le style de Rosetta qui avait servi à la transition de PowerPC à x86. On sait déjà qu’il y a des mentions d’une famille de processeurs ARM Hurricane dans le noyau de macOS Sierra. Et tous les appareils iOS utilisent déjà des puces ARM. Il n’est ainsi pas impossible que les MacBook Pros récemment sortis soient les derniers Macs Intel, et ce changement expliquerait les retards de mises à jour sur le reste de la gamme Macintosh (iMac, Mac Pro, Mac Mini). Par ailleurs, l’un des intérêts de passer à l’architecture d’Intel, avancés à l’époque par Apple, était de proposer une compatibilité Windows, avec Boot Camp par exemple. Avec Windows ARM, cette compatibilité pourrait être plus facilement maintenue lors du passage au Mac ARM.
Pour prouver le grand avancement du développement de Window ARM, Microsoft a publié le 7 décembre dernier une vidéo montrant Windows 10 fonctionnant sur Qualcomm Snapdragon 820 :
Si la puissance des puces ARM convient parfaitement à tous les appareils portables et aux PC entrée de gamme, elles doivent encore faire leurs preuves pour des exigences plus musclées comme les serveurs par exemple, secteur où Intel règne encore en maître (99 % du marché, selon IDC).
Mais l’autre grosse nouvelle de l’année, c’est qu’Intel a signé l’été dernier, de façon fort pragmatique, une licence pour fabriquer des processeurs ARM, notamment pour tenter de reprendre une part de marché sur le mobile. On peut donc imaginer de futurs PCs ARM avec le logo “Intel inside”…
Windows 10 ARM (Redstone 3) devrait être disponible à l’automne 2017.